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Ma rencontre avec le Christ.

 

Mon père, influencé par les slogans de cette époque d’anticléricalisme – on était en 1908 – aurait volontiers supprimé cette cérémonie religieuse à laquelle, contre vents et marées, le peuple de chez nous restait attaché.

« Si on veut faire un gueuleton qu’on le fasse le jour où il aura son certificat d’études » disait-il et cela donne la mesure d’une certaine ambiance laïque.

Ma mère, qui ne pratiquait pas, ne s’opposait jamais de front à mon père, un peu emporté et qu’il valait mieux prendre autrement : elle amena la question sur le tapis devant les parents de mon père – non pratiquants également – mais qui ne concevaient pas qu’on ne fit pas sa première communion.

Et c’est ainsi que je fus inscrit, à l’âge réglementaire de 10 ans, en première année de catéchisme.

L’ambiance qui avait précédé cette décision n’était pas particulièrement propice à me rendre la religion sympathique et je me revois encore, dans les rangs qui nous ramenaient du « caté » à l’école laïque (c’était la dernière année où le catéchisme s’insérait dans l’horaire scolaire) disant à un camarade : « moi je vais au caté parce qu’on me force, mais j’y crois pas ! »

Et cependant c’était là que le Seigneur m’attendait !

Pourquoi ? Pourquoi moi et pas d’autres – mes sœurs par exemple -?  Pourquoi Seigneur, êtes-vous venu « piquer » ce sale gosse qui faisait, si jeune, profession d’incroyance ?

Pourquoi ? - Mystère - l’Esprit souffle où il veut !

Mais peut-être est-ce à cause des prières d’une femme, que je n’ai jamais vue, la marraine de mon père, qui m’avait - je l’ai su plus tard - recommandé à la Ste Vierge avant ma naissance et à qui je garde, avec sa photo retrouvée dans les papiers de mon père, une grande reconnaissance.

Comment s’est faite ma rencontre avec le Christ ? Oh ! sans miracle et sans choc, par une lente et puissante imprégnation.

Pour ma deuxième année de catéchisme les circonstances m’avaient amené à changer de paroisse. On nous faisait le catéchisme à l’église entre l’autel principal et l’autel de la Ste Vierge situé derrière. Est-ce une coïncidence, mais cet espace m’apparaît, encore aujourd’hui, comme lumineux. Et j’écoutais avec intérêt de plus en plus vif tout ce qu’on nous enseignait.

Là, il faut que j’ouvre une parenthèse. Paradoxalement c’est l’école laïque qui m’a préparé à recevoir le message chrétien. Car c’est elle qui, la première, m’a marqué de son empreinte. Par elle, j’ai acquis le sens de ma dignité de citoyen dans le régime « merveilleux » de la République – mais aussi le sens du devoir que cela impliquait.

La « morale laïque » de cette époque était intransigeante et dure, mais si elle éveillait chez les âmes généreuses – et j’en étais – le sens du devoir, elle était, parce que sans Dieu, glaciale et inhumaine.

Elle avait éveillé en moi une immense aspiration vers le Bien absolu… et elle ne pouvait la satisfaire car elle plafonnait. Tout cela j’en souffrais inconsciemment.

Et voilà qu’au catéchisme je découvrais tout un monde nouveau : le monde du surnaturel, l’existence d’un Dieu d’amour, l’Infini, l’Absolu auquel, confusément, j’aspirais.

Alors j’ai « crevé le plafond » sous lequel j’étouffais et sur l’humus de ma formation laïque première a pu fleurir mon christianisme.

Dire ce que fut cette « première » communion avec le Christ est impossible. Il m’avait choisi, il m’avait appelé, il m’avait pénétré au plus intime et je lui répondais : « Oui ». Il était en moi et c’était cela la grande la vraie « réalité » .Que m’importaient alors les contingences matérielles qui entouraient cette rencontre :elles n’étaient pas à la mesure. « Tu verras m’avait dit ma grand-mère il y aura une poignée de velours à ton cierge. Avant d’aller communier détache-la comme souvenir ! »

Mais que m’importait cette poignée, qui d’ailleurs n’existait pas, quand j’allais recevoir le Christ !

Le soir, au repas de famille, il devait y avoir une « bombe glacée ». A l’époque manger une glace n’arrivait que dans les grandes circonstances, communion ou mariage ; mais l’abbé nous avait recommandé de nous coucher de bonne heure. Je quittai la table bien avant la bombe glacée. Mais que m’importait tout cela ! J’avais rencontré le Christ et je ne l’oublierai plus jamais.

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