Andelaroche le mercredi 3 juillet 1940
Mon bien Cher petit mari
Enfin ouf !! il me semble que nous sortons de ce nuage noir dont tu nous parles et nous avait parlé Yves. Voici le premier jour que le facteur repasse. J'ai donc de la correspondance; plusieurs lettre. Une de toi datée du 14 juin, la carte de Claude nous annonçant qu'il est bien arrivé, une lettre de Jeannette très inquiète de Daniel qui n'est jamais arrivé et deux d'Emmanuel qui est dans le Tarn et qui a failli passer par Lapalisse, mais s'en est détourné sachant que nous étions bientôt envahis. Maintenant il y avait aussi une autre lettre adressée à Denys. Mais où est-il ? t'a t-il rejoint à la Rochelle ? Ou bien est-il en rade quelque part en France ayant voulu venir me rejoindre et les communications étant coupées à ce moment. Car je comprends d'après cette lettre qu'ils ont été licenciés comme on l'avait annoncé vers le 15 . Je lui avais envoyé 100 F pour qu'il vienne nous rejoindre mais je crois qu'il n'a même pas dû les recevoir. Ce qui me fais peur c'est de savoir qu'ils sont partis depuis trois semaines ? Je vais attendre encore impatiemment demain pour avoir les nouvelles. Ici tout est calme, L'envahissement s'est fait sans la moindre bataille et je craignais que tu te tourmentes à notre sujet, car j'ai écouté la radio à ce moment et il y avait de quoi se tourmenter à les entendre. Quand j'ai vu le défilé des réfugiés (comme tu me dépeignais votre départ, moins le noir) et qu'ils me disaient où étaient les allemands, j'ai renvoyé Yves et ses cousins, ils sont partis sur Roanne qui devait évacuer. Ils avaient tout le temps d'arriver avant leur départ d'après monsieur Maître qui y travaillait. Peut-être même t'a t-il rejoint à la Rochelle. Mais où es-tu maintenant ? Je n'ai aucune nouvelle non plus de Geneviève. C'est Denys qui me tourmente, je me le représente dans un coin sans ressource, ne sachant où aller. Quoi d'étonnant après cela que j'ai trop juste de lait pour nourrir le petit. Si encore j'avais la paye, mais toi l'as-tu seulement? Quel bouleversement. Enfin on recommence un peu à respirer de voir ce que je finissais par croire qui n'arriverait pas que l'on peut recommencer à correspondre. J'envisageais sérieusement de chercher du travail dans les fermes pour les grandes. J'ai encore une quarantaine de francs car je n'ai pas payé du lait et du beurre, il va falloir que je ne paye plus le pain Je n'ai plus qu'un litre de lait par jour car je n'ose pas en chercher autre part ne pouvant pas payer. Denise est désolée elle est la seule à ne pas avoir de nouvelles, elle ne sait toujours pas où est Serge.
Je termine en t'embrassant bien fort pour le temps où je n'ai pu le faire. A quand ?.....
Claire |